Villardonnel, notre village : Commerces et artisanat
Démographie
Villardonnel est un creuset dans lequel se sont fondues les différentes cultures que les événements ont fait cohabiter : espagnols, italiens, polonais etc. Tous sont venus avec l'espoir de vivre ici, mieux que chez eux, et ils y sont parvenus puisque les générations qui suivent sont toujours là.
Mixitée sociale
Cela a constitué la particularité de ce village où, tous étant au même niveau, il y avait une solidarité et peu de jalousie à l'encontre de celui qui réussissait, car c'était le but affiché et surtout source d'espoir pour les autres.
L'intégration faite par le travail
Avant d'être polonais, italien ou espagnol..., on était mineur ! On est bien loin de l'individualisme ambiant qui s'est de nos jours installé autour de nous mais, pour les non-avertis qui sont un peu attentifs, ce sentiment est encore palpable.
Répartition démographique des actifs
De 1901 à la deuxième guerre, la population recensée tournait en moyenne autour de 540 personnes. Au recensement de 1962, on a pu observer une chute démographique avec 356 habitants. Nous sommes actuellement en situation de nette remontée avec 421 habitants en 1999, et 500 habitants lors du dernier recensement effectué en 2007.
L'emploi, plus que la guerre, a été le principal facteur de variation.
Histogramme de l'évolution démographique
Source : Wikipédia
Le nombre des actifs, qui a représenté environ la moitié de la population jusqu'aux années 30, a ensuite régressé du fait que les jeunes ont commencé à poursuivre quelques études au-delà du cycle primaire au lieu de rejoindre immédiatement le monde laborieux. Les catégories ont, elles aussi, subi des chamboulements importants, voire notamment le domaine agricole. A l'échelon national, les chiffres officiels indiquent qu'en 1850 les paysans représentaient 65% de la population active et seulement 3% aujourd'hui.
En ce qui concerne Villardonnel ce nombre chute un peu moins car, entre activité viticole, élevage et cultures diverses, notre vocation de commune rurale est bien affirmée : 62% en 1911 et encore 6% actuellement. D'ailleurs désormais le terme « ruraux » définit bien plus le lieu de résidence que l'activité.
Activité économique
Pour qui connaît Villardonnel de nos jours, il est très difficile d'imaginer la quantité d'activités qui y étaient pratiquées au début du XXème siècle par une population légèrement supérieure en nombre à ce que nous sommes actuellement.
Il est certain que, compte-tenu d'une moins grande mobilité, beaucoup de choses devaient se faire sur place. Ce régime d'autarcie partielle permettait à chacun de trouver sa place dans la communauté, répondant ainsi aux nécessités. La pluri-activité était chose courante car les salaires ne suffisaient pas toujours et il fallait compléter les revenus du foyer avec des activités annexes.
Les emplois de la Mairie
On ressentirait presque de la nostalgie lorsqu'on fait le recensement des commerces et artisans qui constituaient la « ruche » villardonnelloise.
Cela réveille tant de souvenirs oubliés, tels les trousseaux brodés, la réfection des matelas de laine devant les portes... toutes ces choses du passé qui étaient à mille lieux de notre société de consommation à tout va. Il n'est pas question de retourner faire les lessives à la rivière, mais la sagesse serait peut-être de regarder parfois un peu en arrière pour réapprendre certains petits gestes qui économiseraient notre porte-monnaie tout en préservant la nature.
Imaginez un instant les magasins, les artisans s'activant dans les remises, les allées et venues des uns et des autres qui allaient commercer pour assurer le quotidien.
Aux veillées, on s'occupait encore les mains à quelques travaux en échangeant des propos qui n'étaient pas encore dictés par la télévision. C'était la vie à l'échelon d'un village tout simplement, avec ses anecdotes de toutes sortes. Lorsqu'une fille de Villardonnel épousait un garçon « qui n'était pas d'ici », il venait tout de même de Salsigne (village voisin). L'aventure, c'est l'aventure !
Boulangerie, Moulin et Fournil
Le pain était chose sacrée et constituait un poste important de l'alimentation, c'est pourquoi le village comptait un boulanger ainsi qu'un boulanger-pâtissier qui fabriquait les traditionnels gâteaux du dimanche (éclairs, choux, tourtes à la crème...).
Souvenirs de pains
Et que dire du fameux « raouzel », parfumé à l'anis et à la fleur d'oranger, dont le seul souvenir en fait encore saliver plus d'un !
Mais tout le monde ne pouvait pas s'offrir ces merveilleux gâteaux et le boulanger était souvent réglé les jours de paie.
Le pain devait peser un kilo. Si ce n'était pas le cas, le boulanger complétait avec un morceau taillé dans un autre pain pour atteindre le juste poids. Les comptes se tenaient à l'aide de la « taille ».
Le commerçant et le client détenaient chacun une petite réglette en bois d'égale longueur. Au moment de l'achat, le boulanger plaçait côtes à côtes les deux réglettes et y pratiquait le nombre d'entailles correspondant aux pains achetés.
Ainsi chacun conservait son compte. Le jour du paiement on totalisait les achats et ensuite on passait un coup de râpe pour remettre ainsi le compte à zéro.
Les clients venaient à la boutique mais des livraisons se faisaient aussi en voiture attelée d'un cheval vers les fermes des écarts, et plus tard vers les villages voisins en voiture automobile.
Dans les boulangeries on, servait aussi de la nourriture pour le cochon, cela s'appelait la « repasse » et était composée de son. La repasse issue de la mouture du blé, constituée par des fragments d'enveloppe du grain retenant un peu de farine adhérente, c'était un recyclage bien utile.
La mesure, qui s'appelait 1/5ème, correspondait à 1/51/5ème de quintal, soit 20 kg. Mais cette définition est donnée sous toutes réserves, les avis étant partagés à ce sujet.
Le fournil
Souvent le fournil était le lieu où on pouvait discuter au chaud et où on apportait les plats de viandes à rôtir les jours de fêtes ainsi que les bassines de tomates pour faire le tomata.
Les écoliers éloignés déposaient leur gamelle le matin et y trouvaient leur repas chaud à midi. Tous ces services n'étaient pas rémunérés car on considérait que cela était somme toute assez normal.
Il faut dire qu'à l'époque ces commerçants représentaient une tranche de population plutôt aisée comparé aux journaliers agricoles, mineurs et autres.
De nos jours il serait impensable d'envisager ces « dérangements » sans contrepartie, mais à l'époque c'était une forme de solidarité.
Le moulin
L'architecture du moulin du village n'était pas très jolie. Il s'agissait d'un pylône en fer avec des pales, un type d'éolienne qui servait à moudre des céréales pour le bé-tail.
Cependant, durant la guerre, le meunier M. Reilhac a moulu la farine pour le pain des habitants.
Le Moulin de Villardonnel
L'artisanat textile
L'homme moderne a compris depuis bien longtemps qu'il avait besoin de se vêtir pour se protéger du climat et la notion de pudeur qui s'est ajoutée fait que nous couvrons nos corps au rythme des modes et des nouvelles matières qui sont apparues.
Exemples de broderies
Avant la commercialisation du prêt-à-porter, des commerçants ambulants, qui s'installaient à l'hôtel quelques jours, passaient de maison en maison pour vendre tissus et fournitures pour confectionner les vêtements (certains ont en mémoire le voyageur de Castres).
Ceci dit en passant, eh oui, il y avait même un hôtel à Villardonnel !
Plus tard, un ambulant en fourgon vendait coupons et vêtements de travail, tabliers, linge de corps. Il s'agit de Monsieur Severac, dit Le Reilhou.
La famille Cros, tailleurs de pères en fils
Si beaucoup de femmes cousaient elles-mêmes, le village était aussi rentré dans l'univers de la mode grâce à ses tailleurs très réputés :
- Joseph, le grand-père,
- Antonin, le père,
- Marcel, le fils.
C'est toute la famille Cros qui travaillait pour les notables de Carcassonne et des environs.
Il n'était d'ailleurs pas rare de voir, garées devant leur porte, des automobiles qui faisaient rêver les gamins.
Mais ils confectionnaient aussi pour le village, les costumes sur mesure de communion et de mariage qui marquaient les grandes heures de la vie. Ces artisans étaient diplômés « tailleurs-coupeurs » et plusieurs personnes, faisant encore partie du villlage, ont appris grâce à eux des métiers bien spécifiques :
- Rose Pistolozzi qui était giletière,
- Simone Perekrestow et Francette Albéro qui étaient cu-lottières, cette dernière ayant ensuite travaillé à Carcassonne,
- Adrien Miramond y a aussi appris le métier de tailleur et a ensuite exercé à Limoux.
Ce sont donc trois générations de Cros qui ont exercé leur métier à Villardonnel durant environ un siècle.
Les broderies
La tradition du trousseau brodé donnait du travail à beaucoup de petites mains. La broderie faisait partie intégrante de la formation de la jeune fille et ensuite elles continuaient cet ouvrage au titre de revenu complémentaire au ménage.
Les magasins Chevalier et Mme André (rue de Verdun), très connus à Carcassonne, fournissaient du travail toute l'année, si bien qu'en 1911 on a pu recenser 28 brodeuses officielles à Villardonnel.
Les femmes se réunissaient en ateliers appelés « ouvroirs », où les plus anciennes transmettaient gratuitement leur savoir-faire.
On se rappelle ainsi de Marguerite Bourguignon, Alice Géri, Margot Cugat, Elise Pel et Adrienne Sicard pour la broderie et de Élise Barrau pour la couture et la lingerie. Des couturières travaillaient aussi à domicile.
Confection de couvre-pieds
Autre fabrication demandant un certain talent, c'est celle du couvre-pieds. Il fallait carder la laine, l'étaler en une couche régulière sur un tissu de satin et recouvrir d'une autre épaisseur de satin, le tout artistiquement piqué en diagonales ou en lignes arrondies et parfois bordé d'un volant. Cet article était indispensable car les chambres n'étaient pas chauffées.
Joséphine Miramond, Pauline Thomière, Marie-Louise Bourguignon, Claudine Jalabert, Marie Compeyre et Fine Miramond (née Bonnavenc) excellaient dans cette fabrication.
Comme on fait son lit on se couche, dit-on. Ainsi régulièrement il fallait également refaire les matelas dont la laine trop tassée déformait la couche et vous laissait les « côtes en long ». Cela se faisait souvent dans la rue, et dans la même journée on décousait et lavait la toile, on cardait la laine et on remontait le tout. Le matelas était ainsi dépoussié-ré et regonflé pour un certain temps.
La laine, produit noble par excellence, n'était pas accessible à tous. Certains se contentaient de paillasses faites de feuilles de maïs séchées, la milliasse, entassées dans une housse en fil.
Pour tous ces travaux il fallait évidemment se procurer toutes les fournitures nécessaires : tissus, fils à coudre etc. Il y avait une mercerie sur place dans les années 1920, mais à d'autres périodes on faisait appel aux commerçants ambulants qui arrivaient chargés de valises, de Castres ou Mazamet, par le car.
Pensez-donc, dans les années 60 il y avait encore chaque jour 5 à 6 liaisons Castres-Carcassonne, via Villardonnel ! Le courrier arrivait d'ailleurs au village au bus de 8h45 et repartait à celui de 17h15.
L'atelier du Bourrelier Prosper Puel lors d'une permission pendant la guerre de 14.
Les métiers du cuir
S'il est un artisan oeuvrant pour le bien-être de son prochain, c'est bien le cordonnier ! On connaît tous les maux engendrés par le fait d'être mal chaussé. Les cuirs souples étaient réservés aux chaussures de luxe, et pour le reste c'était le pied qui se faisait à la chaussure et non l'inverse.
Les cordonniers ne manquaient pas d'ouvrage car ils réparaient mais aussi fabriquaient entièrement les souliers et leurs talents étaient fortement appréciés.
En 1901, quatre de ces artisans étaient recensés et deux en 1936 dont un nommé Jalabert (dit Guigné).
Certains villardonnellois se souviennent encore de l'odeur du cuir et de la poix dont on enduisait les fils pour les rendre plus résistants lorsqu'on pénétrait dans l'atelier de Jean-Pierre Rolland.
Des outils du Sabotier
Au siècle précédent il y avait eu un sabotier, en face de l'actuel foyer, qui s'appelait Jean Bourguignon dont le fils, Justin (dit l'escloupié) a pris la succession en 1926.
Pour en finir avec les métiers du cuir, on se souvient du bourrelier Prosper Puel qui a fabriqué de nombreux harnachements de chevaux jusqu'à ce que les automobiles prennent couramment le relais dans les années 30/40.
Les métiers du bois
Au début du siècle les métiers du bois étaient nombreux : menuisier, charron, tonnelier. Avant d'aller travailler à la mine, un de nos anciens, André Rolland, a été apprenti chez le charron Ernest Costis auquel nous faisons référence un peu plus.
Le menuisier fabriquait des meubles en bois massif qui passaient souvent d'une génération à l'autre. Du berceau au cercueil, toute sa vie on faisait appel à cet artisan.
Pour transporter les charges on avait besoin de façon permanente de charrettes qui étaient fabriquées par le charron. La culture de la vigne induisait aussi la fabrication de tonneaux par le tonnelier, métier dont nous comptions 3 représentants en 1901.
La famille Costis
La famille Costis s'est largement illustrée dans ces différents métiers du bois et nous citerons au passage Ernest Costis qui a fabriqué les bancs de l'église et Chrisostome Costis (dit Cristounet) qui a confectionné les boiseries du choeur.
Buffet fabriqué en 1905 par Ernest Costis
On retiendra également les menuisiers Jules Sicard et son fils Alcide. A propos de Louis Roussigné, dont le nom est encore bien familier à nos oreilles, son atelier était un lieu de réunion où on attendait l'heure du souper en devisant avec lui qui continuait cependant à travailler. Excellent artisan, Louis, dans sa jeunesse, avait fait le compagnonnage et participé à une exposition nationale à Paris.
Le Maréchal-ferrant
Souvent réunis sous la même casquette, les métiers de maréchal-ferrant et de forgeron représentaient une activité essentielle.
Il y avait trois forges dans le village :
- place du Jour Long,
- rue de l'église,
- place de la République.
Il fallait ferrer les chevaux qui étaient la seule force motrice dont nous disposions. Il fallait fabriquer les outils aratoires et ensuite les réparer ou les affiner. On avait besoin en permanence de ces artisans dont les derniers représentants ont été Camille Roussigné et Louis Bourguignon succédant à Jean Jalabert.
L'atelier de Louis Roussigné, habituel lieu de réunion réservé aux hommes, comme la forge de Louis Bourguignon (dit Baptistou) sur la place de la République où les enfants locaux (de la place) s'infiltraient souvent.
Le maréchal-ferrant sur l'actuelle place de la république.
Le bureau de tabac
Le bureau de tabac était un commerce très réglementé dont l'exploitation a été souvent attribuée aux mutilés guerre 14-18 ou aux veuves de guerre, telle Yvonne Benausse.
Outre la vente de tabac à rouler ou à priser, une deuxième activité importante consistait à assurer la régie des transports de vin. De nos jours, les capsules congés des bouteilles attestent que les droits ont été acquittés par le vendeur.
En ce qui concerne le vin en vrac, le vigneron doit établir une facture-congé. Ce travail n'est donc plus assuré par les buralistes.
La boucherie Bonnafous
La boucherie de Villardonnel, qui appartenait à la famille Baux, est tenue aujourd'hui par la 4ème génération puisque la maman de Jean-Pierre Bonnafous est née Baux.
C'était presque une dynastie car, dans tous les villages alentour, des Baux étaient installés bouchers. Déjà en 1901, Eugène Baux ainsi que son fils Cyrille figuraient comme tels sur le recensement de notre village.
Chose inimaginable aujourd'hui, la femme d'Eugène partait à pied avec sa hotte pour vendre de la viande à Fraisse, par le chemin que nous empruntons actuellement lors des randonnées du foyer rural.
Jusqu'aux années 80 on abattait sur place moutons et cochons. L'achat des bêtes se faisait à Carcassonne, chez le maquignon Jaume. Elles étaient livrées à Villardonnel à pied, conduites par un vacher boiteux qui tenait la vache au bout d'une corde. A l'arrivée, l'animal était abattu et partagé entre les deux boucheries de Villardonnel et Salsigne.
Chacun faisait un peu d'élevage de volailles et les autres viandes étaient un luxe réservé à certaines occasions. La « TUE » du cochon donnait lieu à des fêtes familiales.
La découpe et l'élevage du cochon
Épiceries
Plusieurs épiceries ont laissé des souvenirs pittoresques aux uns et aux autres. Des commerces biens loin de l'épicerie que nous connaissons aujourd'hui.
L'Etoile du Midi
L'Etoile du Midi, size route de Salsigne, dans l'actuelle maison de la famille Lagoutte, était remarquable par son puits qui se trouvait à l'intérieur de la maison et dans lequel la commerçante conservait le beurre au frais.
Les aliments n'étaient pas conditionnés comme maintenant et on achetait au détail l'huile d'arachides dispensée par une pompe, les haricots prélevés du sac, on râpait le gruyère à la demande. On n'avait pas encore, à l'époque, le souci d'éliminer emballages et suremballages. On y trouvait aussi des harengs saur ou sardines séchés, parfaitement rangés en forme de rosaces. Cela s'appelait l'arencada (prononcer arencado).
A ce sujet, il court d'ailleurs une anecdote assez imagée quant au niveau de vie de la couche la plus modeste de la population. On suspendait ces poissons en l'air, sur un fil (ce pouvait être aussi un morceau de jambon) et on passait rapidement dessous le bras levé, une croûte de pain dans la main, de façon à toucher l'aliment suspendu. Le pain était censé avoir pris, au passage, le goût du poisson ou du jambon et il fallait s'en contenter. Tout le monde aura bien compris que c'est une galéjade significative.
L'épicerie Monié
À l'épicerie Monié, qui se trouvait au coin de la rue du stade, on trouvait des légumes de jardin, produits locaux par excellence, cultivés par Monsieur Monié lui-même et vendus par sa femme et sa belle-soeur.
Mais c'était aussi un lieu qui fournissait mercerie, lingerie, laine à tricoter, chaussettes, produits de bazar...
Jusqu'à il y a peu de temps, on aurait pu dire que c'était comme à la Samaritaine, mais hélas nos repères disparaissent.
Place de la République, il y a eu un temps une quincaillerie tenue par la famille Bonnavenc. Également un horloger qui se nommait Jean Jalabert, habitait à l'emplacement de l'actuel foyer.
Les Cafés
S'il est un volet d'importance, c'est celui des cafés. On en connaît deux dénommés cafés Bonnet, situé à l'emplacement du café actuel dans les années 1920, et Costis, situé à l'emplacement de l'actuelle boucherie
Ils ont changé plusieurs fois de place, mais au début du XXème siècle on les fréquentait en fonction de ses sensibilités politiques : dans la tranche 1900/1920, il y avait le café des « Blancs » ou le café des « Rouges ».
Ils étaient des lieux de vie incontestablement très animés. On s'y retrouvait le dimanche après-midi pour les parties de cartes où joueurs et spectateurs s'amusaient autant les uns que les autres mais pour des raisons différentes.
Le café Bonnet dans les années 1910
Notamment le briscan se jouait avec force mimiques conventionnelles adressées à son partenaire tout en essayant cependant de détourner l'attention des autres joueurs. C'était très théâtral et hilarant !
En 1936, à l'hôtel Marty, Les joueurs de « longue » se désaltèrent
On jouait aussi à la manille et à la bourre, ce dernier jeu un peu sous le manteau du fait que c'était un jeu d'argent interdit par la législation. Les mises ne devaient pas être bien grosses, mais cela ajoutait un peu de piment.
Dans les années 30, le cafetier payait sur ses deniers les musiciens pour les fêtes locales et c'était là que surgissaient les conflits « jeunes contre vieux » pour le choix du style. C'était jazz contre polkas et mazurkas. On peut voir que rien n'a changé à ce niveau, les choix ne faisant toujours pas l'unanimité aujourd'hui.
Hôtellerie
A cette même époque l'hôtel s'est ouvert pour accueillir les mineurs de Salsigne qui arrivaient dans la région. Il était tenu par Rose Marty et on pouvait aussi venir y consommer des boissons, notamment de la limonade. Marie Mathieu tenait par ailleurs une pension de famille.
Le café situé à l'emplacement de l'actuelle boucherie a fermé ses portes et l'activité est restée très intense dans le second qui a été ensuite repris en 1959 par Sesto Storaï. Depuis 1965 c'était le siège de l'USV où on buvait pour fêter les victoires ou pour se consoler des défaites. Dans tous les cas de figures, le limonadier était le grand gagnant.
Les après-midi voyaient arriver les mineurs retraités qui se retrouvaient là pour se distraire. Dans les années 60, certaines soirées réunissaient du monde autour d'une nouvelle attraction appelée télévision.
Mine de Villardonnel vers 1910
L'arrivée de la télévision
C'était un appareil de location, dit « à péage », dans lequel on introduisait une pièce de monnaie correspondant à un temps donné. Gare aux arrêts intempestifs aux moments inopportuns par rapport à l'action du programme !
Lorsque le café affichait : « ce soir, Piste aux Etoiles », c'était la garantie d'une soirée réussie quand tous, grands et petits, se serraient autour de la boîte magique. « 5 colonnes à la Une » et les matches de rugby étaient aussi des programmes très fédérateurs. Quels souvenirs collectifs exceptionnels procurait alors cet appareil qui aujourd'hui individualise plus qu'il ne rassemble...
Il n'est pas certain qu'à travers cela on ne regrette que sa jeunesse, on regrette sans doute aussi un certain art de vivre que le progrès nous a enlevé.
Boulangerie-Pâtisserie
La boulangerie-pâtisserie d'Ernest et Albertine Sciou fournissait un peu d'épicerie, mais pas de produits frais. Cependant c'est resté ancré très fort dans les mémoires des petits galopins, qui aujourd'hui n'en sont plus depuis longtemps, en raison des bonbons qu'on allait y acheter avant de rentrer à l'école.
La boulangerie Blima, qui existait avant 1914, a été rachetée dans les années 30 et est devenue boulangerie-coopérative, tenue par Félix Jalabert à l'emplacement de ce qui était plus récemment l'épicerie Martinez.
En outre, une épicerie s'est montée dans la maison de M. Bourguignon qui a ensuite été déplacée dans la grande maison près du Monument aux Morts. Il y avait un gérant salarié, Georges Miramond. Selon les résultats, les acheteurs bénéficiaient d'une ristourne en fin d'année.
À l'emplacement du café actuel (hélas fermé) était l'épicerie Jacques Costis qui a fermé dans les années 70, au moment où la courbe démographique s'est située au plus bas. C'est à ce moment que la boulangerie Martinez a fait également épicerie environ jusqu'au début des années 90.
Fabrication des manèlas d'oignons
En dehors des commerçants sédentaires, il y avait une forte activité commerciale générée par des ambulants qui venaient de Montolieu, de Trèbes, de Salsigne, de Conques... Ils étaient poissonniers, jardiniers, bouchers, charcutiers. En dehors des commerces de bouche, le village était également visité par d'autres ambulants : tissus, chaussures...
Les échanges commerciaux n'étaient pas à sens unique puisque des villardonnelloises vendaient leur production d'oignons très réputés à l'époque. Le tri de ces oignons se faisait sur le « Filet », terrasse actuelle de Jean-Pierre Bonnafous.
Diverses activités
Mais on se souvient d'activités plus pittoresques. Un homme passait régulièrement acheter les peaux des lapins consommés par chaque foyer. On l'appelait « le pelharot ».
Des gitans s'installaient sur la place, parfois durant une semaine, et tressaient les paniers qu'on leur commandait. Chaque semaine, un homme faisait le tour du village en criant : « cacahuètes-pistaches », ce qui était probablement une gourmandise à l'époque ! Il y avait aussi un vieux rémouleur qui arrivait à vélo attelé d'une remorque.
Chemin de Gautier, il y avait un petit local avec une paillasse pour accueillir ces trimardeurs qui étaient étameurs, rémouleurs, ramoneurs, tous ces petits métiers qui leur permettaient tout juste de survivre. Cela apportait aussi de la distraction aux habitants.
Assurance
En terme d'assurances dans ce milieu rural, l'Assurance Mutuelle Agricole, devenue Groupama est une institution. De 1947 à 1998, deux hommes ont été les interlocuteurs des assurés, chacun pendant environ 25 ans. Il s'agit de Jean Bourguignon et Gérard Constans.
Le règlement des sinistres était largement facilité par cette relation de proximité, de convivialité et de stabilité qui était très appréciée par tous.
Salon de coiffure
M. Puel, coiffeur à domicile, habitait le village mais, des années 40 jusqu'à la fin de siècle, il y a eu un salon de coiffure.
René Cugat, rue de l'église, faisait les coupes pour hommes, femmes et enfants, et était aussi barbier. L'équipement du salon comportait la traditionnelle petite chaise haute pour les enfants. Les mises en pli et permanentes se faisaient soit à Salsigne où, dans les années 50, un coiffeur ambulant pour dames montait de Carcassonne.
Photographe
Monsieur Kucia, photographe, a immortalisé tous les instants importants ou quotidiens de la commune. Mariages, fêtes, petite enfance, ainsi que les activités locales, sont illustrés dans nos « livrets souvenir » grâce à ses clichés.
Appareil photo de Monsieur Kucia
Bouilleurs de crus
Après les vendanges venait le temps des bouilleurs de crus, accompagnés de leur alambic. Ils s'installaient, l'un place du Jour Long, M. Maury qui venait de l'Ariège, l'autre en face de l'actuelle mairie : Marinette Diez, de Villardonnel. Il y eut aussi Prosper Puel.
C'était une fête pour les enfants qui consistait à appliquer un sucre sur la cuve chaude pour en faire du caramel en s'y brûlant un peu les doigts au passage.
Marinette Diez et son alambic
Des cuisinières à domicile prêtaient leurs services pour les mariages et les communions...
C'était le cas de Rose Marty qui tenait l'hôtel et de Valérie Rolland et Carmen Tesseyre.
Transports publics
On ne peut pas passer sous silence l'aventure que représentait le car Monié. Aux plus belles heures de son histoire il transportait tout ce qui devait l'être, sans souci de surcharge.
Le car Monié.
Cela amusait tout le monde et la philosophie était « à la guerre comme à la guerre » !
Lorsqu'il était complet, les jeunes montaient sur l'impériale ou dans la remorque qui y était attelée. Pour les jeunes enfants du village, le jeu consistait à attendre le retour du car sur la place et à y monter le temps que Pierre Monié aille le garer. C'était leur tour de manège ! Dans les souvenirs de certains il y a les sorties à la mer et l'omelette de Pâques au Lac de Montagnès, grâce à ce car et à son dévoué chauffeur.
Dans les années 50, Alphonse Rolland exerçait le métier de taxi occasionnel pour arranger les uns et les autres.
Place du Fort, 7 ou 8 vaches étaient élevées à l'étable par Jean et Madeleine Cros et fournissaient le lait à la population. Un tel élevage de gros bétail en plein centre de village serait inconcevable aujourd'hui.
Sages Femmes
Pour les soins médicaux, on se débrouillait avec les moyens du bord. Jusqu'à la fin des années 50, les femmes accouchaient à domicile.
La sage-femme n'était pas forcément diplômée, mais l'expérience y palliait. On doit à Nathalie Barrau la présence de certains de nos concitoyens actuels. Les infirmières, que l'on qualifiait de « piqueuses », assuraient piqûres, vaccins, ventouses, cataplasmes et même toilettes mortuaires. On se souvient de Marie Compeyre et Antoinette Costis.
Les bûcherons
Il fallait alimenter les cheminées qui étaient le seul moyen de se chauffer. Les bûcherons étaient nombreux, et parmi eux beaucoup d'italiens.
Dans les années 30, les frères Maestripieri, qui étaient exploitants forestiers aux Auberges, ont fait appel à d'autres italiens de leur connaissance.
D'autres corps de métiers ont trouvé des ouvriers de la même façon. Maçons et plâtriers construisaient l'habitat traditionnel en schiste, pierres calcaires et granit et dou-blaient de lauzes le côté cers (à l'ouest) pour une meilleure isolation.
Les bûcherons italiens
L'école de Villardonnel
Pierre Tesseyre, dit Pierre Dal Cantou, dont il est question par, ailleurs, était spécialisé, comme son surnom l'indique, dans la taille des angles des murs.
Quelques autres figures de ces bâtisseurs se nomment Pierre Bonnet, M. Durand. François Cauture, qui fut compagnon du tour de France, a construit l'école actuelle aidé par son fils Alexandre.
En suivant, dans la même rue, on lui doit aussi le presbytère, l'actuelle maison de la famille Lagoutte, ainsi que l'école des Martys. La grande qualité de ces constructions est encore visible aujourd'hui.
L'école actuelle de Villardonnel construite en 1893
Agriculture et activité viticole
La vigne, l'agriculture et autres activités annexes, feront l'objet d'un livret séparé tant elles recouvrent de sujets à traiter.
Les vendanges
Cependant on peut remarquer que la culture du potager était vitale dans l'alimentation des familles au fait que chacun détient encore aujourd'hui son petit lopin de terre de quelques centaines de mètres carrés, le plus souvent non attenant à l'habitation.
Au fil des héritages ces parcelles, partagées et repartagées, sont imbriquées les unes dans les autres et donnent lieu à des convoitises pour recréer des topographies plus cohérentes par rapport aux nouvelles implantations.
Seulement il est difficile pour certains d'abandonner la terre que leurs parents cultivaient avant eux. De plus cela occasionnait des allées et venues dans le village et permettait des conversations improvisées.
Le Cabanon, Place du fort
C'est ce que l'on nommerait familièrement aujourd'hui « le téléphone arabe ». D'ailleurs à ce sujet, la place du Fort a toujours été un lieu de rassemblement, et particulièrement le « cabanon », abri réservé à l'arrêt du car. C'était le lieu de palabres pour les hommes et les enfants.
Par dérision, on disait qu'un jeune qui avait suivi durant plusieurs années ces conversations pouvait se présenter au Bac. Un de nos grands professeurs était notre célèbre Augustin Sirvent, dit « Tintin ». L'année 2016 aura vu la disparition de ce « monument » témoin de tant d'anecdotes pittoresques.
Séparation de l'Église et de l'État
Ci-dessous quelques précisions n'ayant aucun rapport avec les activités économiques du village, mais c'étaient des éléments importants de la vie rurale de l'époque.
En 1905, la séparation de l'Église et de l'État s'est passée dans le calme à Villardonnel. Les conflits sont arrivés plus tard, lors de changements dans les équipes municipales.
En 1930, la commune a demandé un loyer pour le presbytère qui était situé à l'emplacement de l'actuelle mairie, et a vendu des colonnes en marbre qui se trouvaient dans le jardin du curé. Ces années ayant été très houleuses à ce sujet, l'abbé Teulié a fini par acheter une maison qui est devenue le presbytère jusqu'au départ, en 1965, de l'abbé Malapert, dernier curé ayant résidé à Villardonnel.
L'eau
L'eau est un bien précieux et le sera de plus en plus, on le sait. Le réseau, qui a été installé en 1939, a amélioré les conditions de vie.
Les citernes et les puits
On a toujours utilisé l'eau avec parcimonie avec le souci d'en stocker le plus possible. Le village recèle un grand nombre de puits.
Les plus importants sont des citernes composées de véritables salles voûtées qui ont été construites au XIXème siècle par des maçons locaux et qui collectent les eaux de ruissellement.
Sur le plan architectural, c'est tout-à-fait étonnant et remarquable et cela prouve le souci vital que cela représentait pour la population.
Photo de la place du Jour Long sur laquelle on peut encore voir la fontaine
Ces textes réveilleront sans doute certains échos chez beaucoup de villardonnellois, leur rappelant différentes pé-riodes de leur vie. Petits retours en arrière dont on ne veut conserver que les bons souvenirs.
Tout n'était pas rose,loin de là, mais aujourd'hui non plus ! Alors, à quoi bon s'attrister inutilement lorsque le baume du temps est passé.
Quant aux nouveaux venus, ils seront sans doute surpris d'apprendre que la vie était aussi riche dans ce village où l'on croyait « qu'il ne se passait jamais rien ».
Autarcie et pluriactivité
Les mineurs (80 en 2 bus en 1950) avant donc la fermeture de la mine en 1954, faisaient la journée continue de 6h à 14h et avaient une demi-heure pour le repas pris sur le chantier.
Sur la place, un véhicule est garé équipé d'un gazogène. Il s'agit d'une chaudière alimentée en bois ou charbon de bois. Cela permettait de palier au manque de carburant durant la période de la guerre.
A 15h ils étaient de retour dans le village et partaient qui dans les vignes, parcelles assez réduites pour la « buvette » personnelle ou familiale car tout le monde faisait son vin, qui dans les jardins à travailler jusqu'au repas du soir, donc pluriactivité assurant un complément de revenus.
D'autre part c'était une benne façon de s'oxygéner après plusieurs heures passées dans l'humidité des galeries de la mine. Les hommes se levaient à 5h, les femmes avaient fait la veille la musette.
Un système matriarcal
En conséquence toute la journée le village était le domaine des femmes et des enfants (74 en 1954 dans les 3 écoles de la commune).
Les actifs agricoles étaient à leurs travaux, certains ne rentraient pas le midi, ce qui semble normal quand on travaille à Racaudy, à Villaudran ou à la Rebouscalède.
De fait les femmes, outre les tâches ménagères, s'occupaient des enfants et des achats journaliers (budget). Ipso facto c'était donc un système matriarcal fort original s'expliquant par un mélange économique industriel et agricole.
Brochure éditée par le Foyer Rural de Villardonnel - 2017